Dimanche 3 juillet. Grande fut notre surprise , au départ de Sarria ce matin, en voyant notre chemin brutalement envahi par des centaines de marcheurs. Tous, arrivés la veille par le train, se retrouvent ici. La ville est à une centaine de kilomètres de Santiago et c’est la distance minimum imposée par les autorités religieuses pour accorder indulgences et pardon aux pèlerins se rendant sur le tombeau de l’apôtre. La clientèle est jeune, espagnole, joyeuse, bruyante. Beaucoup marchent sans sac, d’un pas alerte et ne semblent pas se soucier des pauvres pèlerins qu’ils dépassent dans la plus grande indifférence. Le temps où chacun nous gratifiait d’un «buen camino » en nous rattrapant semble derrière nous. On se croirait noyés dans le flot des supporters se rendant au stade de France pour voir un match. Que sont mes compagnons devenus? Ceux qui comme nous ont eu froid à Rabanal, ceux qui ont transpiré en montant à O Cebreiro. Parfois, j’en reconnais certains, perdus eux aussi dans cette marée humaine. Rien à voir avec l’esprit du chemin. Voici venir le temps de l’indifférence. Le choc est rude. Hier nous avancions dans le silence mais aujourd’hui tout est bruyant, presque étouffant. Avoir marché si longtemps pour , une fois le but atteint, ou presque, se retrouver parmi ces pèlerins de la dernière heure! Heureusement les villages, les églises, les chemins creux de la campagne galicienne restent les mêmes.

13 kilomètres après le départ nous dépassons la borne symbolique des 100 kilomètres avant Santiago. C’est paraît-il un moment de liesse où les pèlerins se congratulent, mais le ciel gronde et la pluie se met à tomber brutalement et violemment, gâchant un peu la fête. Chacun court se mettre à l’abri. Le ciel est bas, gris et les sentiers se transforment vite en bourbier. L’humidité s’installe. Et il en sera ainsi jusqu’à notre arrivée à Portomarin car la pluie ne va pas se calmer. Elle s’insinue, elle s’infiltre, profitant du moindre passage laissé par ma cape de pluie. On ne lutte pas contre elle, on s’habitue, on compose, on l’ignore mais à la fin c’est toujours elle qui gagne. Aujourd’hui, le ciel a déversé sur la terre toutes les larmes de son corps. Nous marchons comme des automates, regardant le bout de nos chaussures et sans voir le paysage qui nous entoure. Ainsi le pèlerin fourbu et trempé doit-il accepter sa destinée. Comme tous ces jours derniers, nous arrivons un peu fatigués. Pour ma part, je crois que j’ai demandé beaucoup à mon vieux corps et qu’il est bientôt temps de rentrer.

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1 thought on “PORTOMARIN.”

  1. Quelle jolie photo de Roselyne , qui ne semble pas éprouvée par son difficile périple !
    Impressionnant de voir cette foule débarquée pour les cents dernières bornes

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