Lundi 4 juillet. Portomarin fut noyé en 1962 sous les eaux du barrage de Belesar et reconstruit à l’identique sur les hauteurs dominant le lac. Mais, malgré cette prouesse, cela reste un petit village assez insignifiant qui ne vit, semble-t-il, que grâce au chemin . Au petit matin, les pèlerins ruissellent le long des ruelles pour rejoindre la rue centrale et venir gonfler le flot des marcheurs partant pour Compostelle. Tous traversent le pont qui enjambe la retenue d’eau et commencent une rude montée à travers la forêt. C’est la reprise de la grande transhumance des « centbornards du camino ». Même clientèle, mêmes tenues, même ambiance. Ce matin, sous les nuages noirs, la Galice fait grise mine. Mais ce n’est que pour quelques heures car vers midi le soleil revient et nous sommes contents de retrouver l’ombre des grands arbres qui bordent notre route. En début d’après-midi, rencontre avec Juan, Maria et leur fille Letizia partis de O Cebreiro. Ces espagnols de La Corogne ont vécu et travaillé pendant vingt ans à Genève avant de revenir au pays. En marchant à leurs côtés nous apprenons beaucoup sur la vie ici, sur le climat, sur la gastronomie. Aurais-je le temps avant de partir de goûter au poulpe à la galicienne?

Dans quatre jours, je vais abandonner mes habits de pèlerin et me retrouver face aux réalités du quotidien. J’ai pendant ces deux mois oublié les gesticulations de nos politiques et leurs turpitudes. J’ai oublié les guerres, le tennis, le Tour de France. J’ai apprécié ma solitude. Oserais-je dire que je l’ai savouré. Mais comme écrivait un philosophe dont j’ai oublié le nom: « la solitude est à l’esprit ce que la diète est au corps: nécessaire mais dangereuse quand elle est trop longue ». Je vais devoir quitter mon confortable anonymat. Sur le chemin, le jacquet perd toute identité. Il n’est plus qu’un prénom, marchant comme ses condisciples vers la ville de l’apôtre.

Ce soir, dans un élan mystique tardif Rose assiste à la messe de 19 heures. Les pèlerins se pressent dans l’église montrant s’il le fallait le caractère très religieux de ce chemin. Après l’office, le curé se met à chanter et à jouer de la guitare pendant que les fidèles dansent et tapent des mains version gospel à l’espagnol !

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2 thoughts on “PALAS DE REI.”

  1. Accompagnés d’une foule de marcheurs jeunes et brayants , vous allez arriver à Saint Jacques de Compostelle et vivre des moments très forts émotionnellement ,en pénétrant dans la cathédrale
    C’est l’aboutissement d’un projet fou longuement préparé et mûrement réfléchi , la fin d’un périple interminable nécessitant abnégation, résilience et force morale hors du commun pour avancer toujours plus loin , quelles que soient les conditions climatiques ,et la fatigue physique
    Il sera temps de vous relâcher , vous requinquer et retrouver votre vie avec vos proches , vos amis ,votre région et de mettre un terme à cette solitude particulière , bénéfique à l’esprit tant qu’elle reste limitée dans le temps ;
    Mais il y aura sans doute : un avant St Jacques et un après St Jacques
    Au plaisir de vous revoir et encore félicitations

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