Dimanche 12 juin. C’est le tonnerre qui ce matin m’a réveillé avant 5 heures. Mais cette pluie que l’on attendait depuis plusieurs jours ne va pas durer et quand je pars vers 7 heures je ne reçois que quelques gouttes maigrichonnes. C’est donc sous un ciel menaçant que je quitte Belorado , petit bourg situé dans la région de Castille et León, dont le seul intérêt est de se trouver sur le chemin de Compostelle. Ma route est en tout point pareille à celle que j’ai laissé hier: une piste large qui louvoie au milieu des blés et qui joue avec la N120. La pluie ferait-elle peur au pèlerin? Je ne saurais le dire, mais pour mon plus grand bonheur, je suis seul ce matin à profiter du spectacle de ces nuages noirs qui se déchirent peu à peu pour laisser la place à un ciel limpide. J’ai le sentiment que ce paysage n’appartient qu’à moi et à moi seul. Alors je m’arrête un moment pour le contempler et sentir cette odeur si particulière qui monte de la terre détrempée après un orage et que certains nomment savamment pétrichor. Fragrance acre, subtile et éphémère de moisissures reconnaissable entre mille. Il en sera ainsi jusqu’à Villafranca Montes de Oca qui est à la moitié de ma journée. Je sais que maintenant le paysage va changer. Quelques centaines de mètres après avoir délaissé la N120 qui traverse le village, je m’accorde une courte pause en m’asseyant sur un banc face à l’entrée d’un parador, le San Antón Abad. La tentation est grande d’y entrer pour rendre mon entracte encore plus agréable mais j’ai peur que ces « délices de Capou » ne m’empêchent de reprendre ma route. C’en est fini de la morne plaine. Une rude montée m’attend pour me conduire sur un grand plateau forestier, endroit redouté par les premiers pèlerins qui craignaient d’y rencontrer des loups ou des voleurs, voire les deux à la fois. Les premières rampes du sentier m’obligent vite à ralentir le pas et 15 à 20 minutes seront nécessaires pour atteindre la crête. À partir de là, l’homme a tracé au milieu de la forêt une incision chirurgicale rectiligne et pendant 90 longues minutes je vais suivre cette piste en terre rouge sans rencontrer le moindre pèlerin. Finalement, c’est sous un ciel menaçant que j’arrive à San Juan de Ortega. (Saint-Jean-des-Orties bâtisseur du monastère au 11ème siècle). Il est 14 heures et j’aurais bien aimé dormir ici, mais le manque de place me contraint à faire 4 kilomètres de plus pour aller jusqu’à Santovenia de Oca où je retrouve la plaine et ses cultures.

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1 thought on “SANTOVENIA de OCA.”

  1. BRAVO !!!
    Tu as franchi les 1000 kms !
    Je t’adresse toutes mes félicitations et mon admiration pour cet exploit exceptionnel
    Je suis avec plaisir et assiduité ton beau et difficile parcours (chaleur , dénivelé , solitude …) , regarde tes magnifiques photos , me délecte de ta prose et ton ressenti me fait beaucoup réfléchir
    Bientôt , ta moitié va te rejoindre à Burgos et tu seras moins seul pour continuer la route
    Je vous souhaite à tous les deux beaucoup de plaisir sur le chemin espagnol avant l’apothéose à Saint Jacques de Compostelle
    Je vous embrasse et vous suis en pensées positives
    Brigitte

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