Samedi 11 juin. Aujourd’hui mon chemin fait cause commune avec la N120. Parfois il reste à côté d’elle pour ensuite s’en éloigner puis revenir tout près. La campagne est presque plate. Les champs y dessinent des damiers dont les couleurs varient sans cesse selon le bon vouloir du soleil qui joue à cache cache derrière les nuages. Et dans ces moments là, j’aimerais arrêter la course du temps. Je dépasse les premières maisons de Granon avant 9 heures. Tout de suite, un food truck me tend les bras: n’est-ce pas l’heure du petit-déjeuner? cappuccino et tortilla. Comme je quitte le village il arrive à ma hauteur. Grand, mince (presque maigre), chapeau de paille à larges bords, barbe rousse, un bermuda qui semble trop grand pour lui, pieds nus dans des sandales en cuir. Il porte un sac à dos qui doit contenir tout ce qu’il possède sur cette terre. Il vient de Namur. Depuis quand est-il parti? «il y à longtemps, très longtemps, je ne compte plus ». Et comme je regarde ses pieds, il m’avoue qu’il a quitté la Belgique avec de bonnes et grosses chaussures mais que très vite il a eu des ampoules tellement grosses, qu’il a du troquer ses godillots contre des sandales. Depuis les ampoules ont séché et ses pieds sont devenus gris. Il me restera de cette rencontre le souvenir de sa grande carcasse que j’ai vu s’éloigner puis disparaître à la croisée d’une route. Sur le chemin, les gens se croisent et se décroisent c’est ainsi. On échange, on sympathise mais on ne s’attache pas. Ma deuxième rencontre a lieu devant la très belle église de Viloria de Rioja. C’est là que je fais la connaissance d’Yves. Il vient de Louvain, en vélo. Décidément, c’est ma « journée belge » aujourd’hui. Yves a perdu un petit-fils il y a un an et je n’ose imaginer la détresse qui fut la sienne. « Je devais faire quelque chose, sinon j’allais devenir fou ». Alors il a pris son vélo et il est parti pour la Galice en traversant la France. Yves tient un blog, comme moi, et il a 75 ans, comme moi, alors, tout naturellement, on se photographie en se promettant chacun de parler de notre rencontre. Dommage qu’il soit sur son vélo et moi sur mes pieds. Je crois qu’on aurait passé beaucoup plus de temps ensemble.



Bravo Patrick pour ce partage que j’ai bien le temps de lire à présent que je suis clouée at home cause Covid