Vendredi 10 juin. Depuis l’Aubrac j’avais oublié l’indicible bonheur que provoque une montée bien raide pour commencer la journée. Outre le fait qu’elle vous coupe rapidement le souffle, elle vous fait vite regretter un petit-déjeuner trop copieux. Mais aujourd’hui, l’effort n’est pas très long et on débouche rapidement sur le plateau. Le camino trace son sillon, rectiligne entre vignes et céréales qui se partagent équitablement le terrain. S’en suivent des moments forts, propices au dialogue intérieur avec soi-même. Dommage que le silence soit, par moments, brisé par les sons étouffés des camions roulant sur l’A12. On ne voit jamais la route mais elle n’est pas très loin. Entre Nãjera et Santo Domingo il n’y a que deux villages. Le premier, Azofra, me fait penser à ces pueblos que l’on voit dans les films de Sergio Leone. Une rue unique, vide, bordée de maisons et débouchant sur l’inconnu. Mais le goudron a remplacé la poussière et il n’y a pas de chevaux devant le saloon. Seulement des pèlerins prenant leur petit-déjeuner. Le second, Cirueña, posé en haut d’une côte qui n’en finit pas de monter, est à 6 kilomètres de Santo Domingo de la Calzada. C’est une ville fantôme, construite sans doute à cause de la présence d’un golf. Les pavillons qui se ressemblent tous semblent inhabités et les rues sont vides. Quant au bar du club, il accepte généreusement les pèlerins à condition qu’ils s’installent à l’extérieur. Qu’importe, le coca reste le même, aussi rafraîchissant. A partir de là, la vigne disparaît et la céréale redevient reine. La campagne prend une couleur d’un vert tendre. La piste est droite, bosselée, poussiéreuse. Un vent chaud se lève. Il faut avancer, sans regarder le lointain, juste ses pieds et s’enfermer dans sa bulle, sans penser au chemin qu’il reste à faire. Quand j’arrive à Santo Domingo, je me retrouve, comme d’habitude, seul dans les rues du centre historique.

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