Lundi 6 juin. C’était hier le premier soir où je dînais avec plusieurs français. Autant dire que les conversations étaient plus animées. C’était aussi la première fois que je dormais dans un de ces immenses dortoirs de 40 places. Chacun se faisant discret et respectueux des autres, j’ai pu passer une excellente nuit. Aujourd’hui mon étape est longue (32km) mais relativement plate. Quelques minutes après Uterga, j’aperçois déjà Muruzabal dans la pâleur du petit matin. Ce sera ma première étape. Puis, un peu avant 9 heures, j’arrive à Puente la Reina, point de jonction avec le chemin d’Arles, la Via Tolosona. C’est un gros bourg typique de l’architecture de la Navarre que l’on traverse par la calle Mayor, longue rue étroite bordée de belles maisons, et que l’on quitte par son célèbre pont roman construit au XI ème siècle par une reine de Navarre pour permettre aux pèlerins d’enjamber l’Arga. En le traversant je croise une ribambelle d’enfants qui partent pour l’école. Devant ce tableau, je m’imagine qu’il y a plus de mille ans des gamins pieds nus ou en galoches croisaient déjà, dans la même indifférence, des pèlerins sur ce pont. Après avoir quitté la petite ville, le paysage change sans arrêt. Au début on se croirait chez Pagnol. Les genêts qui bordent le chemin embaument et nous enivrent jusqu’à nous faire oublier l’autoroute A12 toute proche. Plus loin, les premières vignes apparaissent. Les villages sont perchés au sommet des collines. Les cultures hésitent entre vignes, oliviers et céréales. Que ce pays est donc beau et combien je regrette de ne pas m’y attarder plus longtemps. Mais c’est le lot de tout pèlerin. Il faut avancer et avancer encore car le chemin est long jusqu’à Santiago. Après avoir traversé Cirauqui puis Lorca, et peu de temps avant d’arriver au terme de ma journée, je rencontre Ruben. Il vient de Californie. Parti de St Jean il y a quatre jours, il espère, comme moi, aller jusqu’au bout. Ruben parle assez bien le français, avec cet accent charmant que prennent les anglo-saxons quand ils s’expriment dans notre langue. C’est donc tout naturellement que nous ferons les derniers kilomètres ensemble jusqu’à Estella. On pénètre dans la ville en longeant la rive gauche de l’Ega qu’on va traverser sur le pittoresque Puente de la Càrcel (le pont de la prison).





Estella ( ou Lizarra en basque) et ses monuments imprégnés de l’histoire du pèlerinage.On ne compte pas les églises joyaux de l’art roman. Son nom viendrait de l’espagnol estrella qui veut dire étoile tout comme on surnomme le chemin de st Jacques le chemin des étoiles. C’est une ville assez petite pour qu’on ne s’y perde pas, et assez grande pour mériter deux heures de flânerie. Arrivé avant 15 heures J’ai donc le temps de m’attarder dans ses ruelles étroites vidées de leurs habitants puisque ici c’est l’heure du déjeuner. Je visite l’église San Pedro de la Rua et son cloître, puis je reste longuement à l’ombre d’une terrasse de la Plaza de los fueros tout près de la Calle Baja Navarra où je loge. Plus tard j’y retournerai pour savourer un café solo, à l’heure où le jour va disparaître apportant cette bienfaisante fraîcheur qui fait sortir les habitants pour une promenade vespérale.
SALUT SALUT…BISES…